La Révolte des bonnes


Variation sur LES BONNES de Jean Genet (1947), pièce plus ou moins inspirée d'un fait divers retentissant et inexpliqué qui défraya la chronique en 1933 et qui fut transcrit dans le magazine "Détective", celui d'un double meurtre commis par deux employées de maison, sur leur patronne et sa fille.

 

Le sujet des BONNES a inspiré de nombreux films comme ceux de Nikos Papatakis, Claude Chabrol ou Jean-Pierre denis, la danse et l'opéra...


La Compagnie Démons et merveilles vous propose de goûter sa nouvelle création

 

Christine Mosnier, Sophie Olivieri et Francette Tafflet

dans LA RÉVOLTE DES BONNES

guidées par Jean-Claude Garnier

Variation d’après Les Bonnes de Jean Genet (1948)

 

C’est une scène de théâtre que la chambre de Madame…

Chaque soir le jeu – la représentation – la cérémonie – y recommence…

Propice à l’assouvissement des fantasmes…

La boîte noire nue se prête à toutes les investigations…

 

« C’est facile d’être bonne quand on est belle et riche ! Mais être bonne quand on est une bonne !

Les deux bonnes sont là. Nous ne vous craignons plus Madame. Nous sommes confondues dans notre haine pour vous. Nous prenons forme. La révolte des bonnes peut commencer »

 

Création les 27, 28 et 29 janvier 2023 à la MPAA Broussais (Paris 14e)

Reprise le 25 mars 2023 au Théâtre El Duende (Ivry sur Seine)


Jean Genet est un écrivain, poète, et auteur dramatique français à la vie tumultueuse.

Né en 1910 de père inconnu, abandonné par sa mère, il fut placé à 7 mois comme pupille de l’Assistance Publique dans une famille d’accueil. Fugueur et voleur récidiviste, il est incarcéré dans un bagne d’enfants à 14 ans, il connaît la prostitution, fait de la prison à la Santé pour avoir vendu des livres volés.

 

À l'âge de 18 ans, il s'engage dans la Légion. Il déserte l'armée en 1938 pour rentrer à Paris où il vit une vie d'errance et de menus larcins entrecoupée de réguliers séjours en prison. Autodidacte, Jean commence alors à écrire ses premières poésies ("Condamné à mort" est publié en 1942) et ébauches romanesques. En 1949, passible de relégation perpétuelle (peine à l’exil), le président de la République le gracie sur l’injonction de Cocteau et de Sartre.

Ses premiers romans paraissent. Censurés, car on les classe pornographiques ou choquants, ils se distribuent sous le manteau. "Le Journal du voleur" décrit ses errances adolescentes hors de France. "Le Miracle de la rose" met en parallèle ses années de prison et sa fascination pour un assassin avec ses années à la colonie de Mettray. "Notre-Dame-des-Fleurs" évoque l'enfance et les créatures ambiguës de la nuit homosexuelle parisienne du Paris d'avant-guerre - il s'agit probablement du premier roman mettant en scène les aventures d'un travesti.

Encensé par Cocteau et Sartre, Genet fréquente les milieux artistiques parisiens et devient dramaturge. Sa pièce la plus célèbre "Les Bonnes" est jouée en 1947. Viendront ensuite "Le Balcon" (1956) et "Les Nègres" (1958). Il commence un journal, "Le Captif amoureux", qui est publié en 1986 quelques mois après sa mort.

Marginal, homosexuel, ses personnages sont des parias. Ses pièces avec leur langage cru, leur mise en scène de la perversité et leurs sujets provocants, sont comme des actes de délinquance envers l'ordre social. Il expérimente ainsi une dramaturgie liée à la fascination pour le Mal, assez proche du "théâtre de la cruauté", développé par Antonin Artaud.

Lors d'une interview, il affirme s'être beaucoup ennuyé lors de l'écriture de ses livres et pièces excepté pour "Les Paravents".

Sa tombe se trouve au vieux cimetière espagnol de Larache au Maroc.


Anna la bonne

chanson parlée de Jean Cocteau de 1934 dite par Marianne Oswald

 

Ah, Mademoiselle!
Ah, Mademoiselle!
Mademoiselle Annabel
Mademoiselle Annabel Lee
Depuis que vous êtes morte
Vous avez encore embelli
Chaque soir, sans ouvrir la porte
Vous venez au pied de mon lit
Mademoiselle, Mademoiselle
Mademoiselle Annabel Lee
Sans doute, vous étiez trop bonne
Trop belle et même trop jolie
On vous portait des fleurs comme sur un autel
Et moi, j'étais Anna, la bonne
Anna, la bonne de l'hôtel
Vous étiez toujours si polie
Et peut-être un peu trop polie
Vous habitiez toujours le grand appartement
Et la chose arriva je ne sais plus comment
Si. Bref, j'étais celle qu'on sonne
Vous m'avez sonnée une nuit
Comme beaucoup d'autres personnes
Et ce n'est pas assez d'ennui
Pour... enfin... pour qu'on assassine
Nous autres, on travaille, on dort,
Les escaliers... les corridors
Mais vous, c'étaient les médecines
Pour dormir "Ma petite Anna,
Voulez-vous me verser dix gouttes?
Dix, pas plus!" Je les verse toutes
Je commets un assassinat
Que voulez-vous, j'étais la bonne
Vous étiez si belle, si bonne
Vous receviez un tas d' gens
Vous dépensiez un tas d'argent
Et les sourcils qu'on vous épile
Les ongles et le sex-appeal!

Vous croyez que l'on me soupçonne
La police, les médecins
Je suis Anna, celle qu'on sonne
On cherche ailleurs les assassins
Mais vos princes, vos ducs, vos comtes
Qui vous adoraient à genoux
Plus rien de ces gens-là ne compte
Le seul secret est entre nous
Vous pensez que je m'habitue?
Jamais. Elle viendra demain
Vraiment, ce n'est pas soi qui tue
Le coupable, c'est notre main
"Dix gouttes, Anna, mes dix gouttes"
Et je verse tout le flacon
Ah ! Cette histoire me dégoûte
Un jour, je finirai par sauter d'un balcon
Et cet enterrement ! Avez-vous une idée
De ce qu'il coûte au prix où revient l'orchidée ?
Elle devait partir sur son yacht pour Java
La Java!
On y va. On y va... On y va !

Anna la bonne, c’est à l’origine un poème d’Edgar Poe, Annabel Lee, traduit par Mallarmé, et une célèbre chanson du jazz américain.

 

Anna la bonne revient discrètement dans Les Bonnes de Genet en 1947.

 

Dans cette pièce, Madame prend tous les soirs un tilleul avant de s’endormir. Elle est bonne, et belle, mais sa bonté empoisonne ses deux bonnes. L’aînée, Solange, a voulu l’étrangler dans son sommeil, mais n’a pas osé : la plus jeune, Claire, décide de l’empoisonner en mettant « dix cachets de gardénal » dans son tilleul. Mais Madame leur échappe et Claire, jouant le rôle de Madame dans une « scène » finale, décide de boire le tilleul à sa place.

 

Moins sensible dans la version « longue » publiée dans la revue L’Arbalète, le souvenir d’Anna la bonne est net dans la version « courte », celle mise en scène par Louis Jouvet à l’Athénée, à laquelle Cocteau a contribué.

 

Deux phrases y attirent l’attention sur les « dix » cachets, ni plus ni moins (écho aux dix gouttes « pas plus »).

 

Et, à la différence de la version longue, la « scène » finale ne montre Solange jouant à étrangler Madame, ce qui donne plus de relief au jeu de Claire-Madame buvant le tilleul.

 

Ce jeu forme la chute de la pièce, trouvée par Cocteau lui-même, d’après une interview de Genet en 1949.